Didier GILLIS né à Liège le 24 septembre 1976, diplômé en photographie à l’Institut des Beaux-Arts Saint Luc de Liège, Belgique.
Après avoir travaillé les techniques photographiques les plus classiques, il s'oriente vers des procédés anciens, voire alternatifs.
Il découvre la technique de la gomme bichromatée au travers de divers expositions et de stages auprès de grands maîtres.
Ce procédé est devenu sa technique de prédilection.

À PROPOS

Il partage désormais son temps entre une vision d’auteur et un travail de commandes.
Il anime régulièrement des stages.

Depuis plusieurs années, son travail ne cesse d’évoluer. Ses prises de vue qui, au départ, étaient un reflet esthétisant des personnalités qu’il photographiait deviennent avec le temps des témoins réalistes et imparfaits de cette même nature humaine.
Au travers des femmes qu’il photographie, il recherche l’empreinte du temps et la complexité de cette relation entre le corps et les âmes.
La technique de la gomme bichromatée amène à ses images, une matérialité et une profondeur en adéquation avec sa vision photographique.
Depuis environ une vingtaine d’années, Didier Gillis est spécialisé dans les grands tirages à la gomme bichromatée.
Il est maintenant exposé dans divers pays. Chaque année, il se rend à Arles pour y exposer et rencontrer d’autres adeptes et galeristes.  

Préface de Fabien Ribery

La beauté est le commencement de la terreur.

Ainsi pense Rainer Maria Rilke dans la première de ses dix Elégies de Duino (1923), où s’énonce le probable évanouissement du poète devant le terrible absolu qu’il entrevoit.

Ainsi photographie Didier Gillis, maître des métamorphoses telluriques de l’être en son œuvre au noir alchimique, opérant la rencontre du sujet en ses points d’extrêmes singularités et des ténèbres l’engloutissant.

L’utilisation de la gomme bichromatée construit chez lui des voluptés baroques, une voie de conciliation entre le corps exposé dans sa crudité et les forces qui toujours nient.

Saturne est le maître du jeu, qui conduit à la mélancolie comme au renouvellement radical de soi.

La chair brûle, surgissant de la cendre qui l’a pétrie.

Didier Gillis construit ainsi une tension entre vie et mort, entre délice et effroi, entre familier et bizarre.

Ses modèles ont le corps passé au charbon de l’émulsion et des pulsions interdites. Ce sont les protagonistes d’un théâtre de cruauté et d’excès en tous genres.

Ce sont des monstres fascinants, des provocations, des habitants du troisième sexe d’une franche violence heurtant les canons du beau contemporain.

On est loin ici de l’hygiénisme des apparences publicitaires, du formatage des identités, de la tyrannie excitante des jeunes filles.

Didier Gillis exalte en chacun la part d‘irréductible, dans l’urgence d’un désir ne reculant pas devant la grâce qu’il suppose.

Les peaux se tendent, les mains trouvent des points de plaisir, des sexes se dévoilent, impudiques, vrais, bouleversants, flétris, neufs.

L’atelier est l’espace d’une mise à nu fondamentale, un berceau où renaître, un lieu de fantasmes.

Dans le secret des regards échangés, des corps se dévêtent totalement, s’abandonnent, retrouvent leur plus belle animalité.

Il y a ici, dans la présence immédiate du grand format des photographies, une humanité fauve qui trouble intensément, parce qu’elle est première, archaïque, instinctuelle.

Les femmes de Didier Gillis sont des Iris messagères, des sculptures de Rodin à l’époque de la disparition des derniers vivants.

Ce sont des divinités inflexibles témoignant d’un ordre supérieur de vérité.

Elles sont seules, impériales, en attente pourtant des mains et des yeux qui sauront les toucher et les regarder vraiment, du fond de l’être, du fond d’une puissance de débordement leur arrachant des cris d’extase.

Tout est surface, tout est séparation, tout est spectacle et contorsions, mais tout demande à exulter, à se quitter, à passer de la vie à la mort, de la mort à la vie.

Le champ social n’existe plus, il est dérisoire, vulgaire, quand au contraire l’obscénité, la transgression, la mise à bas des bienséances, ouvrent des perspectives sensibles passionnantes.

Qu’est-ce qu’un corps de femme ? Jusqu’où êtes-vous prêts à accepter nos états de chair modifiée ?

Ce que vous prenez peut-être pour des exhibitions sont des appels à nous regarder vraiment, telles que nous sommes, loin des autocensures mutilantes.

Nous, les nouvelles Eves futures, modèles d’un jour, nous vous offrons nos seins, nos vulves, nos bouches, nos orifices, nos langues et la danse de nos cheveux.

Nous vous aimons avec nos grimaces, avec nos corps ayant beaucoup servi. Ils sont vieux, sales et sublimes.

Nous sommes ambiguës, femelles sans être fertiles, tétons nourriciers et pourtant secs.

Nos sexes sont usés, les lèvres pendent, les peaux sont plissées, aussi épaisses que des cuirasses parcheminées.

Didier Gillis nous tient en laisse, mais nous affranchit, et c’est nous qui le possédons par le spectacle de nos corps enfin révélés.

Nous nous amusons de vos préjugés, nous régalons de susciter de grandes jouissances, des fièvres inédites.

Nous sommes des gorgones, et nous sommes enfin libres.

Fabien Ribery